Artemisia nait à Rome en 1593, fille et premier enfant d’Orazio Gentileschi (1563-1639), peintre maniériste toscan, il fut le représentant du début du caravagisme romain. Artemisia révèle tôt un talent artistique, elle fait son apprentissage dans l’atelier de son père, ses frères y travaillent aussi. Elle y apprend le dessin, la manière de mélanger les couleurs, de donner du brillant aux toiles.
Mais Il faut parler de son père, à cette époque, il se réfère à l’art du Caravage, peintre lombard, avec qui il entretien des rapports familiers, les débuts artistiques d’Artemisia se placent évidemment dans le sillage du grand peintre.
La première œuvre d’ Artemisia est réalisée entre 1608 et 1610, alors que l’artiste n’a que 17 ans, il s’agit de :
" Suzanne et les vieillards", certainement assistée par son père. Cette œuvre est d’inspiration caravagesque mais pas seulement, la jeune femme est inspirée par l’école de Bologne (fin XVI eme et début XVII eme, située à Bologne comme son nom l‘indique, les artistes de cette école furent les précurseurs du baroque en Italie).
Elle reprend les œuvres de son père afin de leur donner un réalisme et leur insère une atmosphère plus dramatique en accentuant le clair-obscur à la manière de Caravage, ainsi l’artiste a contribuée à l’évolution du style d’une manière déterminante.
A 19 ans en 1612, son père lui offre un précepteur privé, l’enseignement des beaux arts étant interdit aux femmes, il s’agit du peintre Agostino Tassi (artiste maniériste tardif, spécialisé dans l’illusionnisme architectural et le quadratura , genre pictural baroque tendant à simuler des reliefs architectoniques sur les voûtes planes des églises, effets de trompe- l’œil et de perspectives). Mais un scandale surgit, Artemisia est violée par Tassi, alors qu’il travaille avec Orazio à la décoration à fresques des voûtes du pavillon des roses, dans le Palais Pallavicini Rospigliosi de Rome. Artemisia est choquée, humiliée, il y a un procès, Tassi est condamné a un an de prison et à l’exil des états pontificaux.
Orazio va arranger un mariage pour sa fille avec Antonio Stiattesi, peintre florentin, elle va suivre son mari à Florence en 1613, c’est aussi la naissance de leur 1er enfant.
1614-1620, période florentine,
A cette époque Florence, vit une période de déclin artistique, peu de peintres vont rivaliser avec Artemisia, sauf Cristofano Allori (1577-1621, fils de Bronzino), elle partage avec lui le goût pour le rendu des matières et étoffes.
Artemisia connaît le succès à Florence. La jeune femme est amoureuse d’un brillant intellectuel, Francesco Maria Maringhi, il l’inspire pour la figure de Sisra, tableau qu’elle est entrain de réaliser. Dès 1617, Francesco Maria devient son protecteur et l’homme-orchestre de son génie, il l’a met en relation avec Michelangelo Buonarroti le Jeune et avec Galilée , elle est la première femme inscrite à l’Academia del Designo , grand privilège.
Elle entretien de bons rapports avec les autres artistes et obtient la protection de personnes influentes tel que le Grand Duc Cosme II de Médicis, fils de Ferdinand 1er de Médicis (grand duc de Toscane) et Christine de Lorraine (fille de Charles III et de Claude de France)
Elle va au palais Buonarroti où le neveu de Michel Ange travaille, il construit une demeure en hommage à son oncle, et confie à Artemisia l’exécution d’une toile destinée à décorer le plafond de la salle des peintures, il s’agit de " l’allégorie à l’inclination ", la femme est représentée nue tenant une boussole à la main, le visage a les traits d’Artemisia. De cette période florentine quelques tableaux : la conversation de Madeleine, Judith et sa servante, une version de Judith et Holopherne, elle donne ses propres traits à Judith et à Holopherne ceux de Tassi. Artemisia termine son tableau Yaël et Sisra. Elle est employée par Cosme. Cette période florentine se termine par des troubles financiers et Artemisia décide de revenir à Rome en 1621.
1621-1630, retour à Rome, puis Venise
1621 Artemisia de nouveau à Rome. Elle est battue et insultée par son père et son frère qui finissent à rompre avec elle. Son père part pour Gênes. Elle travaille jour et nuit, elle devient la passionaria du règne de Grégoire XV Ludovisi. Elle emploi plusieurs assistants dont Alessandro Bardelli, elle peint des portraits de cardinaux et princes, Cléopâtre, Danaé. Francesco Maria Maringhi vient la rejoindre à Rome.
Elle a des commandes pour la princesse Caterina Savelli et pour le gonfalonier papal et sénateur Constanzo di Giasone.
1622, elle rencontre Simon Vouet, elle peint le portrait du gonfalonier.
1623, l’artiste n’habite plus avec son mari, on perd même sa trace, (elle a 4 enfants deux garçons et deux filles). Simon Vouet de retour à Rome, peint un portrait d’Artémisia.
A Rome on voit encore une présence nourrie de peintres de style caravagesque, mais des correspondances existent entre le style d’Artemisia et celui de Simon Vouet, elle voit aussi le succès croissant durant le Pontificat d’Urbain VIII (Maffeo Berberini, mécène et soutenait les artistes tel que Nicolas Poussin), du classicisme de l’école de Bologne ou des audaces baroques de Pietro da Cortona ( Pietro a exécuté pour le pape Urbain VIII, sa fresque la plus célèbre : La gloire des Barberini, qui orne le plafond du grand salon du palais Berberini à Rome).
1626, Artemisia s'installe à Venise, dans le but d'obtenir de nouvelles commandes, elle reçoit de nombreux hommages de lettrés célébrant sa qualité de peintre.
1628, elle reçoit la commande d’hercule et Omphale par le roi d’Espagne Philippe IV.
1629-30, le duc d’Alcala, vice-roi de Naples, admirateur et collectionneur de l’artiste depuis 1625, acquiert 3 nouvelles œuvres.
1630-1653, Naples et une parenthèse anglaise
1630, Artemisia reçoit sa première commande publique à Naples, et se met également au service du vice-roi, elle peint une annonciation, elle reçoit également des commandes de Cassiano dal Pozzo, érudit et mécène des arts, dans ses collections on trouve des caravagesques tel que Simon Vouet, Artemisia et Caravage lui-même.
1635 Charles 1er d’Angleterre l’appelle près de lui, mais elle préfère rester en Italie, être sous la protection de nobles des cours italiennes, tel que celle du grand duc Ferdinand de Médicis.
1636, Atemisia travaille sur plusieurs commandes napolitaines et pour le prince du Liechtenstein
1637-39, elle va surement rejoindre son père à Londres. 3 toiles de l’artiste se trouvent dans la collection royale, il s’agit de La renommée, Suzanne et les vieillards, Tarquin et Lucrèce.
1640, retour d’Artemisia à Naples, elle travaille pour plusieurs commanditaires.
1649, l’artiste peint pour Antonio Ruffo, aristocrate sicilien il lui a commandé une Diane au bain.
1653, Artemisia collabore avec l’artiste Onofrio Palembo
1654, il n’y a plus de trace d’Artemisia, elle meurt probablement de la peste, il y a eu une grande épidémie en 1656. Elle est enterrée à l’église San Giovanni del Fiorentini à Naples.
Le caravagisme :
C’est un courant pictural de la fin du XVI eme siècle, parfois assimilé à une forme du baroque romain face au classicisme des Carrache. Cette évolution intellectuelle se situe à mi-chemin entre l’opposition à la rhétorique classique des académies d’une part et le brillant enthousiasme illusionniste du baroque d’autre part.
Le caravagisme est caractérisé par la prédominance de scènes obscures transcendées par la maîtrise du clair-obscur, constitué autour du style du Caravage et de ses suiveurs les plus proches tel que Bartolomeo Manfredi.
C’est une révolution artistique marquante. En plein contexte de la contre-réforme où le Concile de Trente préconise une peinture noble et lisible. Caravage cherche à peindre une vérité qui refuse les conventions, il ne recule pas devant la laideur. Par son sens révolutionnaire du sacré, l’artiste substitue un naturalisme extrême aux artifices du maniérisme. Influencé par Michel Ange, fidèle à la nature, il fait du corps humain l’objet de sa peinture. La peinture de l’artiste est méditative, intime, il ouvre la voie à une exploration anxieuse de l’âme voulant témoigner des émotions humaines, il cherche à rendre tangible les événements religieux qu’il va présenter comme des scènes de genres, il humanise l’art sacré. Il va libérer les artistes des stéréotypes maniéristes et va amorcer une nouvelle approche de la réalité physique des choses. La peinture de Caravage va connaître une diffusion rapide et étendue en Europe : Rembrandt, Rubens, Georges de la Tour.
Les compositions de Caravage : elles sont principalement en largeur, il présente des personnages grandeur nature, bien souvent coupés à mi-corps, ce qui permet par la succession des plans, de créer l’illusion de profondeur sans avoir à traiter le problème de la perspective. L’artiste introduit le spectateur dans la scène. La scène semble encore plus proche grâce au fond neutre.
La lumière : c’est l’élément essentiel de ses compositions, elle tend à consacrer sur certaines zones, créant ainsi un contraste de clair-obscur, ce qui donne une dimension plus dramatique à ses œuvres. Bien souvent extérieure au tableau, la lumière fait irruption dans la scène et conduit l’œil vers l’essentiel. Apportant une dimension symbolique et spirituelle, elle participe autant à la compréhension de la scène qu’à sa sacralisation. Le caractère divin des personnages est mis en lumière par l’artiste, au lieu de représenter des attributs symboliques.
Les couleurs : elles sont appliquées sans dessins préparatoires. Les tons rouges, noirs et bruns dominent dans l'oeuvre de Caravage.
L’exposition est composée de 40 tableaux environ, présentée en différents thèmes et périodes créatives de l’artiste, nous commençons l’exposition par les années de gloire d’Artemisia.
Une artiste internationale Naples 1630-1654, Artemisia à 37 ans.
" autoportrait "vers 1637
" Madeleine pénitente " vers 1630
" Cléopâtre assise " 1630-33
" Madeleine "1630
" Suzanne et les vieillards " 1632
" Le suicide de Lucrèce "1630-33
" Cléopâtre "1635
" Naissance de Saint Jean Baptiste " 1655, ci-dessous
"Samson et Dalila "1635
Un tondo,"la justice et la paix s’embrassant " 1635
" Clio muse de l’histoire "1632
" Judith et sa servante Abra avec la tête d’Holopherne "1650,
" Bethsabée au bain "1640-45, ci-dessous
Œuvres napolitaines :
Certaines toiles furent commandées par la couronne espagnole tel que la naissance de Saint Jean-Baptiste, la nymphe Corisca et Clio muse de l'histoire. Minerve fut offerte au Grand Duc Ferdinand II de Médicis (1610-1670), (fils de Cosme de Médicis et Marie-Madeleine d'Autriche).
Quelques tableaux présentés :
"Allégorie de la renommée" 1630-35, ci-dessous
" Minerve " 1635
"La nymphe Corisca et le Satyre " 1635-40, épisode d'une pastorale en forme de tragédie-comédie écrite par Giovanni Battista Guarini ( ce fut un immense succès européen du XVI eme siècle). Artemisia a choisi le moment ou la nymphe Corisca, capturée par un satyre, qui l'accuse d'infidélité en la tenant par les cheveux, elle parvient à s'enfuire en lui abandonnant sa perruque. L'intensité lumineuse des couleurs, le mouvement du drapé, la puissante diagonale, l'élan du mouvement donne animation à la scène.
"Allegorie à la peinture" 1636-45
"Allégorie de la musique"1636-45
La fabrique de l’art :
Bethsabée au bain, Judith et la servante, Suzanne et les vieillards, les dernières oeuvres de l'artiste documentées et peintes pour Don Arcando de Medici à Naples.
Judith 1640-45
Bethsabée au bain 1645-50
Naples, foyer actif de peinture, natures mortes, surtout dans la seconde moitié du XVII eme siècle.
Présentation d’une nature morte : de Giovani Baptiste Reccio de l’atelier d’Artemisia.
A l’étage du musée, les œuvres de jeunesse de l'artiste.
Rome la jeunesse :
Quelques œuvres de son père Orazio, et les premiers succès d’Artemisia
" Sibylle " 1607-10 d’Orazio Gentileschi
" Saint Jérôme" d’Orazio Gentileschi
" La Vierge allaitant"1608-1609 (2 toiles)
"Judith et Holopherne" 1613, cette oeuvre est impressionnante par la violence de la scène. Elle a été interprétée selon les thèses psychologiques et psychanalytiques, comme un désir de revanche par rapport à la violence subie par l'artiste.
" Autoportrait au luth " 1617-18
" Sainte Cécile " 1620
"Judith et la servante avec la tête d'Holopherne" 1617-18, les diagonales ascendantes suggèrent un mouvement dynamique, puis l'arrêt subit que leur imprime la main de Judith retenant sa servante, la puissante verticale sombre du bord droit produit un effet théâtral d'élan suspendu. Ci-dessous
"Sainte Catherine d'Alexandrie" 1618-20, cette oeuvre fait partie de la période florentine, le rouge, le jaune safran, donnent l'éclat à l'oeuvre, richesse ornementale de la couronne.
" Yaël et Sisra" 1620, ci-dessous
"Portrait d'une dame assise", 1620 ( il s'agit de la Princesse Savelli), représentée assise, très élégante, sa robe noire et or est richement décorée.
La Princesse Savelli : Il s'agit peut-être de Caterina (1590-1639), fille du noble Paolo Savelli (branche cadette d'une prestigieuse famille romaine qui épousa Paolo Savelli, premier prince d'Albano, fils de Bernardino, duc de Castelgandolfo et de Laura Anguillara).
Quelques lettres d'affaires et d'amour adressées par Artemisia à son amant et mécène Francesco Maria Maringhi sont également exposées.
Retour à Rome, début de la gloire, le goût du théâtre à la cour des Médicis à Rome. Artemisia retoune à Rome en 1620.
" Le Gonfalonier " 1622
"Gentilhomme au chien" brossé par Simon Vouet (artiste français, allé à Rome travailler pour Urbain VIII et autres mécènes).
Artemisia part pour Venise en 1627, théâtralité, elle donne ses traits à la belle active qui joue et chante, peinte à Venise 1627-29.
" Judith et sa servante "peinte par Claude Mellan (peintre français établit à Rome, il est élève de Simon Vouet)
" La joueuse de luth " Artemisia 1625-38
" Portrait de religieuse "1613-18
Avant Rome, Florence la liberté à la cour des Médicis.
Une plaque en lapis lazuli d'origine afghane, peinte par Orazio Gentileschi à Rome vers 1610-1612. Il s'agit de :
"David méditant devant la tête de Goliath ".
" Une vierge au rosaire " peinte par Artemisia en 1651.
Les nus
" Danaé ", 1612
" Bethsabée au bain " 1636-38
" Amour freinant l’instinct ",1620
" Suzanne et les vieillards " 1650 de l’atelier d’Artemisia
" Cléopâtre " 1620-1625
" Femme nue allongée "1627-30 de Charles Mellin,( peintre lorrain, parti en Italie à l’âge de 20ans)
" Jugement de Pâris "1640-50 d’Onofrio Palembo, (peintre napolitain de l’époque baroque, assistant d’Artemisia Gentileschi.
Artemisia à Rome, collègues et affinités :
Son atelier constituait une sorte d’Académie :
" Sainte Apolline d’Alexandrie " 1645-55, d’Onofrio Palembo
" Samson brandissant la mâchoire de l’âne " 1635
"Allégorie à la rhétorique", 1650
" Diane et Actéon "1645-50 Domeninco Gargiulo (1609-1675, peintre italien, de l’époque baroque à Naples) ainsi que la Sainte Lucie en Martyr
" Esther et Assuérus "1635-40 de Bernardo Cavallino (1616-1656, peintre napolitain de l’époque baroque à Naples).
L'histoire d'Esther et Assuérus : Esther est une jeune et belle juive que le roi Assuérus choisit comme reine sans connaître sa religion.
" Sainte Lucie "d’Artemisia
" Saint Pierre conduit par un ange, visite sainte Agathe dans sa prison " 1635-40
Quelques extraits du catalogue de l’exposition.
L’œuvre d’Artemisia Gentileschi :
C’est une femme qui a su s’imposer comme artiste, à une époque ou la vie de la femme appartenait soit au père ou a son mari. Elle a peint des sujets religieux, de nus, ce qui est impensable à son époque.
Son œuvre est caractérisée par la maitrise des couleurs, des clairs-obscurs et une grande délicatesse dans l’exécution des détails.
Elle a peint des héroïnes bibliques, des femmes sauvant leur peuple, Judith, Cléopâtre, Bethsabée, Suzanne, Yaël et bien d’autres.
Artemisia Gentileschi, une des premières femmes artistes peintres en Italie, on retrouve dans son œuvre la passion, l’amour, la violence, sûrement suite à certains événements vécus par l’artiste.
Lire : Artemisia d’Alexandra Lapierre
Magnifique exposition a voir au Musée Maillol à Paris, jusqu’au 15 juillet 2012