Nous sommes à la fin du XIX eme siècle. La France est profondément transformée par la révolution industrielle depuis 1850.
A Paris on entreprend de grands travaux, création de boulevards, on construit de nouvelles avenues avec des trottoirs et des arbres.
Le contexte économique est prospère. Le developpement des techniques d'imprimerie est en marche, en particulier la lithographie. La diffusion des images est importante, l'illustration est omniprésente dans la vie quotidienne, les affiches, les livres, journaux, c'est la libération de la presse. Les magasins contribuent à l'intensification des échanges.
Le chemin de fer est récent, le tourisme apparaît avec les stations thermales, Vichy, Aix les Bains, la Côte d'Azur se développe ainsi que la côte Normande. De nombreuses affiches apparaissent dans les gares et font la publicité des ces destinations en vogue.
C'est l'époque de la grande bourgeoisie d'affaires, les Rothschild, les Pereire célèbrent la vie parisienne. Les fêtes sont nombreuses, les spectacles, les cabarets : Folies Bergères, Moulin Rouge, l'Opéra comique, le cirque, le café-concert, les théâtres, des affiches par milliers présentent les artistes de ces célèbres établissements.
Les impressionnistes exposent, les affiches en font la publicité. On prépare l'exposition universelle de 1900.
C'est la belle époque, Jules Chéret est au coeur de cet essor.
La lithographie :
Chaque lithographe a sa technique. Le tracé peut être exécuté directement sur la pierre, tracé au crayon lithographique, à la plume ou au pinceau avec de l’encre lithographique que peut être étendue à la manière du lavis. On peut aussi avoir recours à diverses techniques afin d’obtenir des matières particulières. Soit gratter certaines parties du dessin, on peut aussi procéder à un report du dessin par un calque ou un papier report. Le tracé exécuté, la pierre est humidifiée pour l’impression, étant poreuse, la pierre calcaire retient l’eau. L’encre grasse est déposée au moyen d’un rouleau de caoutchouc, elle reste sur la pierre aux endroits imprégnés du gras du dessin tandis qu’elle est repoussée par l’humidité tout autour, (l’encre grasse est hydrophobe). Une fois la pierre assez encrée, on pose le papier et on passe sous presse. Pour l’impression en couleur, il faut recommencer l’impression de la même feuille, en redessinant chaque fois, sur une pierre différente, le motif en fonction de sa couleur, et en tenant compte des superpositions de couleurs qui donneront les teintes mixtes. Il y a une difficulté, il faut repérer le positionnement de la feuille sur les pierres successives, car la feuille étant humectée tend à subir des variations dimensionnelles. On commence par les teintes les plus claires, pour terminer par les plus sombres et le noir.
Selon certaines techniques, on utilise qu’une seule pierre, en ré-préparant la pierre et y redessiner chaque nouvelle couleur, en se basant sur le premier dessin qui subsiste sur la pierre. Dans ce cas la on ne peut refaire de nouveaux tirages, la pierre ayant été modifiée pour chaque couleur successive.
Les techniques évoluant, Engelmann a mis au point une méthode à la fois théorique : l'emploi des trois couleurs primaires : le bleu, le rouge, le jaune, auxquelles on ajoute le noir, pour obtenir toutes les teintes et nuances possibles.
Et pratique : la mise au point des presses lithographiques munies de systèmes élaborés pour obtenir un bon repérage des impressions successives.
C'est le procédé de chromolithographie, il facilite le repérage et ne nécessite plus d'humidifier les feuilles, ainsi les difficultés sont résolues.
La lithographie est dite impression à plat, parce que le relief n'intervient pas dans le processus d'impression lui-même, et d'autre part, par opposition aux techniques modernes de l'offset.
Elle est adaptée à la production d'oeuvres d'artistes aux techniques variées, et à des tirages en quantité limitée.
Jules Chéret,
Il prend des cours à l'école des beaux arts et effectue le voyage typique d'une formation artistique de l'époque : l'Italie. Il est un admirateur du peintre Watteau.
Artiste peintre, lithographe, décorateur affichiste, et une grande qualité de coloriste. Il se réfère à la tradition néo-rococo, il puise dans l’art du Japon, il participe à l’élaboration des rythmes de la vie moderne.
Il aborde différentes techniques avec aisance.
Il créé l’affiche artistique, devenu un maitre dans cet art, il est la figure majeure du musée de la publicité. Il tient sa place aux arts décoratifs par sa contribution à la décoration intérieure de la belle époque.
Le personnage fétiche de ses affiches : une femme joyeuse, élégante qui semble toujours en mouvement. On la reconnait facilement et elle est une des caractèristiques du style Chéret : c'est la "Cherette".
Jules Chéret naît en 1836 à Paris. Son père est typographe.
Dès 1849, il reçoit une formation de lithographe et travaille plusieurs années comme ouvrier dans une entreprise spécialisée dans les images religieuses. Inscrit au cours du soir à l'école nationale de dessin, son maître Horace Lecoq de Boisbaudran ( professeur aux beaux arts) lui apprend l'esquisse de mémoire et le dessin de mouvement.
Il va à Londres en 1854, dès 1858 il réalise une affiche qui fut très remarquée, pour une opérette d' Offenbach
" Orphée aux enfers".
1859, il repart à Londres, il va admirer les oeuvres de Turner et Constable, il rencontre le parfumeur Eugène Rimmel ( il a créé avec son père en 1834 le premier produit cosmétique non toxique, le mascara), il devient son ami et mécène pour lequel il exécute des étiquettes et des décors floraux.
1866, Jules Chéret ouvre son premier atelier de lithographie à Paris, il réalise de nombreuses affiches.
1881, il cède son imprimerie à la société Chaix (imprimerie de la SNCF), il en devient le directeur artistique.
1889, il présente sa première exposition personnelle d'affiches, pastels, gouaches au théâtre de la Potinière à Paris. Il obtient une médaille d'or, à l'exposition universelle.
1890, il reçoit la légion d'honneur, et débute son activité d'artiste peintre. Il rencontre un grand collectionneur Joseph Vitta, il devient son mécène.
1895, il commence son oeuvre décorative par l'exécution de décors monumentaux dans des lieux privés et publics.
1898, il part s'installer à Nice avec son épouse. Il reçoit des commandes importantes à partir des années 1900, tel que le rideau du théâtre du musée Grévin et la décoration d'un salon de l'hôtel de ville de Paris de 1896 à 1903.
1905, c'est la décoration de la Taverne de Paris.
1906-1907, il décore également la salle des fêtes de la Préfecture de Nice, dont le thème est la fête et le carnaval.
1925, il arrête de peindre, il est atteint de cécité.
1932, il décède à Nice.
Il a influencé les artistes peintres tel que Toulouse Lautrec, Pierre Bonnard, Edouard Vuillard.
L'exposition est réalisée par le musée des arts décoratifs.
Nous sommes dans la pénombre, l'éclairage orienté sur les oeuvres de l'artiste pour la mise en valeur.
Dans la première salle on découvre quelques pastels sur toile daté de 1895-1900 " les jeux" et "tambour et clairon" , des affiches concernant la décoration de l'hôtel de ville de Paris .
Son idée de représenter un spectacle panoramique reprenant les thèmes Devel dans ses papiers peints. Son univers est inondé de lumière, de fleurs de personnages rappelant la comédia del arte. Femmes, fleurs il nomme cette composition "le bouquet harmonieux" assemblage de tâches de couleurs.
Présentation de "La commédie" datée de 1891, La "danse" et la " Musique" la même année, ainsi qu'une lithographie représentant la "Pantomime".pour le baron Vitta
.
En 1892, époque où Evian devient un lieu de villégiature très prisé, le Baron Jonas Vitta, riche banquier et soyeux lyonnais, décide de construire une résidence au bord du lac. Elle est de style du quattrocento florentin inscrit au Patrimoine de France. Elle est décorée par de nombreux artistes : Cheret fait les peintures murales, " Les saisons" été", "hiver " pour un panneau de porte de la salle de billard, Brasquemond (bois), et Charpentier (dessin du mobilier) pour cette même salle. Rodin sculpte les dessus de porte en pierre de l’Estaillade aux motifs des Quatre Saisons.
Un autre projet de cheminée pour la villa de Maurice Fenaille à Neuilly (pionnier de l’industrie pétrolière, mais aussi amateur d’art, mécène et collectionneur, également membre de l’Académie des Beaux-arts) ; les éléments "la terre" et "l’air". En 1920 il décore la villa.
1892, une autre lithographie "Hippodrome"
Il fait l'étude du rideau du musée Grévin en 1900, présentation de "Pierrot et Colombine".
Dès l'hiver 1894-1895 une lithographie "Redoute des étudiants".
L'affiche est dans toutes les maisons. Le développement de la publicité est important ou l'affiche à largement sa place.
L'exposition présente également le travail de décorateur de Jules Chéret qui a conçu de nombreuses fresques et tapisseries ainsi que du mobilier.
Le salon présenté est composé de panneaux décoratifs, pendules,vases destinés à la chambre de la villa d'Evian( exécuté par Botta) en 1905, un paravent dont les peintures représentent "pantomimes, la musique et la danse" d'après les cartons de Jules Chéret 1913, un tapis en laine, les tons pastels représentent des guirlandes de fleurs "allégorie à la sculpture" de Chéret daté de 1925, tapisseries en laine et soie toujours d'après Chéret de 1911, le printemps et les roses 1909, tapisserie représentant déesses et roses ( suite des artistes du XVIII eme siècle).
Dans une autre salle plus intimiste quelques tableaux, " le portrait de Katherine Smith épouse de Jules Chéret et deux enfants 1866 ", " le fumeur de narguilé" de Jean Lorrain 1894, "la femme en noir au manchon 1885 ". Une vitrine présente les objets personnels de l’artiste, une plaque offerte lors de sa remise de légion d’honneur en 1890 par Goncourt,une toile d’Emile Blanche le représente dans son atelier. Une revue illustrée, des livres, des dessins quelques photos et son buste. Un portrait de la baronne Vitta daté de 1908 qu'il a peint et celui de Marie Chéret daté de 1885 et son autoportrait en 1915.
En poursuivant la visite, on découvre les affiches qui illustrent l'art de la rue, on imagine très bien l'émerveillement du regard des passants à l'époque, elles donnent de la gaité, avec ces affiches on arrache la rue à la monotonie, elles attirent l'oeil et offrent un feu d'artifice de couleurs. Mais il y aussi le texte qui a son importance,c'est le spectacle de la vie parisienne, on présente la mode, les innovations, tel que la transformation de l'éclairage.
Une publicité pour les magasins du Louvre " jouets et étrennes pour 1891", Félix Potin dont un slogan vente les produits "expédition en franco dans les gares", le magasin Aux buttes Chaumont, représentent des mannequins en complets pour cérémonies, Chatriot "comestibles, gibiers, volailles, primeurs, avec un slogan "Ne quittez pas Paris sans faire vos provisions".Un David Coperfield par Dickens pour Hachette et cie. Félix Potin, précise "transport vers la banlieue",
Réservez vos places de spectacles avec théâtrophone daté de 1890.
Le courrier français 1200 dessins originaux à l'Elysées Montmartre. Les affiches présentées dans les gares tel que : Fêtes de Nice datée de 1907, préparation du carnaval, les chemins de fer d'Auvergne, Vichy,Royat, Cjerlont-Ferrand.
Mais revenons aux affiches de magasins "Au Buttes Chaumont, jouets et objets pour étrennes",
Diorama au jardin des Tuileries, oeuvre de l'union franco-américaine.
Un autre sujet, les affiches illustrant les spectacles : Yvette Guibert au concert parisien, elle est représentée sur l'affiche. les folies bergères, le cirque, les hippodromes, le bal du moulin rouge.
exposition universelle de 1889, le pays des fées.
Saxoleine pétrole de sécurité d'éclairage, une élégante vêtue d'une longue robe allume la lampe.
Une autre salle est réservée aux études, des publicités sur les romans d'Emile Zola "la terre", "l'argent" de beaux livres illustrés de l'époque sont présentés, dans une vitrine. Lulu, la gomme, les étoiles de Félicien Champsaur. Des revues de presse comme le Miriton
Toujours des affiches TA RA Raboum polka américaine illustration de 1893.
Quinquina Dubonnet , une femme assise avec son chat blanc sur ses genoux, tient un verre d'une main, une bouteille dans l'autre main.
Un tableau, Emilienne d'Alençon, aux folies bergères, fusain et gouache daté de 1893,
Dans une vitrine on peut voir des oeuvres délicates tel qu'un carnet de bal, des enveloppes pour cartes parfumées datées de 1873, elles sont agrémentées de fleurs, des roses, des violettes, un almanach décoré d'artistes peintres, le livre des parfums illustré par Jules Chéret. Il représente des femmes et des fleurs, des affiches de l'Opéra comique pour Mignon de Thomas opéra en trois actes, un autre pour Orphée aux enfers d' Offenbach.
Ses premières oeuvres ou les débuts Paris-Londres-Paris,
Son séjour anglais de 1859 à 1866, quelques partitions musicales, des calendriers, puis c'est à Londres qu'il découvre l'affiche murale, deux le rendent célèbre après son brevet en 1866 "Orphée aux enfers" et "La biche au bois".
Pour terminer cette magnifique exposition, une vidéo présente l'artiste à Paris, en Bretagne à la villa Ker Lamnec sa propriété, à Nice sur le perron de sa grande villa ou il est photographié avec sa famille.
Un grand interêt pour cette exposition, elle nous plonge dans le Paris 1900, par la mode, la nouvelle manière de s"éclairer, les publicités commerciales, les affiches des spectacles, les illustrations des livres en vogue, la décoration de certaines villas. C'est la gaité, la joie de vivre, les affiches sont animées, la femme est belle, c'est une explosion de couleurs.
A voir aux musées des Arts décoratifs à Paris, jusqu’au 7 novembre.