Juan Antonio Pérez Simón, homme d’affaires mexicain. Grand amateur d’art et collectionneur.
Il s’est constitué une collection d’œuvres d’art comportant peintures, sculptures, dessins, gravures, objets d’art, manuscrits, mais aussi une bibliothèque de plus de cinquante mille volumes. Sa collection serait l’une des plus importantes d’Amérique latine.
"J’ai bâti un univers personnel qui fait écho à ce qui me définit et me stimule. Tous ceux qui, comme moi, ne possèdent pas ce merveilleux don de créer la beauté grâce à l’art peuvent se consoler en admirant des œuvres et en jouissant de se laisser séduire par elles".
Juan Antonio Pérez Simón.
L’exposition présente un parcours thématique, chaque étape permet des confrontations inédites entre les maitres de différents siècles permettant ainsi de souligner les traditions, les ruptures qui ont fait le succès de l’école espagnole. Huit salles du musée Jacquemart André son réservées à ce parcours.
Le premier thème :
Les fêtes royales, les fêtes populaires.
Charles Quint (1500-1558) et son fils Philippe II (1527-1598), premiers souverains de la dynastie des Habsbourg à régner sur l’Espagne. Utilisant leur culture européenne, ils ont bâti un art de cour éclectique, mêlant inspirations flamande et vénitienne, comme en témoignent les portraits des deux monarques présents dans cette exposition. Les typologies inventées par les deux grands peintres de cour de cette époque, le flamand Antonio Moro et le vénitien Titien, ont été reprises par des peintres espagnols comme Alonso Sánchez Coello (1531-1588), peintre du siècle d’or, Élève de Raphael et d'Antonio Moro. Spécialisé dans les portraits. Philippe II d'Espagne le nomma son peintre.Juan Pantoja de la Cruz (1553-1608),successeur de Sanchez Coello, également portraitiste de la cour. En 1561, Philippe II, décide de faire de Madrid sa capitale. Construite au début du XVIIe siècle dans une architecture de brique, de pierre et d’ardoises typique de l’époque, la Plaza Mayora, lieu ou se déroulèrent les fêtes publiques de la monarchie.
"La fête de taureaux sur la Plaza Mayor", est une œuvre peinte au milieu du XVIIe siècle par l’école madrilène, la place est aménagée pour une corrida royale. Le roi Philippe IV, à cheval, chargeant lui-même le taureau, étape obligatoire des grandes entrées royales. Cette œuvre est à l’exposition.
La fête urbaine, thème récurrent de la peinture espagnole jusqu’au début du XXe siècle. Trois exemples présentés:
"La feria sévillane " (courant artistique célébrant des coutumes nationales) illustré par l'esprit romantique de Manuel Barrón y Carrillo (1814-1884) cet artiste fait parti des orientalistes espagnols. " Figures élégantes dans Séville, le duc et la duchesse de Montpensier ",ou l’on voit la richesse et l’élégance des costumes.
Le traitement fauviste de "la feria de Valencia" d’Hermen Anglada-Camarasa (1872-1959). Dans cette œuvre l’artiste nous montre les costumes folkloriques dans une explosion de couleurs.
Ignacio Zuloaga y Zabaleta (1870-1945), reconnu comme l’un des peintres de la haute société, nous présente le détournement des scènes de la vie paysanne vers un réalisme social.
Salvador Dali (1904-1989) reviendra sur ce thème de l’Espagne urbaine au XX eme siècle avec un projet de décor de ballet « Roméo et Juliette ».
Thème des scènes religieuses :
Tournées vers Dieu
Les Rois Catholiques et les Habsbourg défenseurs de la foi catholique et de l’Espagne ont fait un terrain privilégié du renouveau spirituel issu des réformes lancées par le Concile de Trente (1545-1562). Tolède Siège de la primatiale, peuplée de lettrés, trouva dans Le Greco (1541-1614) le traducteur idéal de sa recherche spirituelle. Cette collection présente une des rares miniatures de dévotion réalisées par l’artiste crétois. " Tête du Christ".
Les possessions flamandes et italiennes de la Monarchie ont permis aux amateurs d’embellir leurs palais avec des scènes de genre ou mythologiques, des peintures d’Histoire ou des paysages venus de ces deux grandes écoles. Mais pour les thèmes religieux, représentés sur les grands retables des églises ou les chapelles particulières.
Jusepe de Ribera (1591-1652), peintre et graveur, spécialisé dans les tableaux religieux. Sa peinture est d’un naturalisme puissant et sobre, servi par des coloris sourds et d’audacieux jeux de lumière : "Sainte Marie l’Egyptienne en lévitation" et "saint Jérôme".
Plus tard dans le siècle, Séville décimée par les pestes et les catastrophes économiques, Bartolomé Esteban Murillo (1618-1682), précurseur du réalisme du XVIII eme siècle espagnol, peintre de scènes religieuses et des scènes de genres. Initié à la peinture flamande, influencé par Titien, de Ribera et Vélasquez. Ces différentes influences, se mêlent pour former son style qui est unique,caractérisé par des formes douces et des couleurs chaudes.
A l’exposition : Un crucifix et deux œuvres religieuses,
L’Immaculée Conception" et" Saint Jean-Baptiste adolescent". Son dessin est élégant, l’atmosphère unique, les couleurs subtiles, jeux de lumière.
Alonso Miguel de Tovar (1678-1758), un de ses plus talentueux suiveurs présente"La Divine Bergère "
" Salvador Dalí est l’un des rares peintres du XXe siècle qui sut traiter l’image religieuse avec la même force artistique et spirituelle que les peintres du Siècle d’Or. " Ascension du Christ ".
Une Salle réservée à la peinture de l’enfance
Le portrait d’enfant a souvent inspiré la génération romantique espagnole, La "Petite fille jouant du tambour "d’Antonio Maria Esquivel (1806-1857) est un excellent exemple de cette veine élégante et naturelle du milieu du siècle.
Les thèmes de l’enfance, de l’innocence heureuse ou du courage devant l’adversité sont aussi au cœur de l’œuvre de Joaquin Sorolla (1863-1923), connu pour ses scènes de genre alliant réalisme et lyrisme. Cet artiste a étudié à Madrid, Rome, Paris. Les enfants nus courant dans les vagues lumineuses de la Méditerranée, sujet récurrent dans son œuvre, sont une de ses plus belles études préparatoires pour le vaste et poignant "Triste Héritage ", avec lequel il a obtenu le Grand Prix de l’Exposition Universelle de Paris en 1900.
Autre thème : Peindre la lumière, l'eau, le vent
C’est au Milieu du XIX eme siècle, que les peintres espagnols ne se sont intéressés au paysage: les voyages en Italie, n’étant plus uniquement orientés vers l’étude du classicisme, auxquels s’ajoutent les voyages en France. Les participations aux salons, les artistes ont été influencés par les mouvements contemporains, de l’école de Barbizon au fauvisme.
Federico Godoy y Castro (1869-1939), spécialiste des scènes de la vie sociale, représente dans la vaste toile de "la Balançoire ", le divertissement spécifique de certaines fêtes populaires andalouses : les couleurs, la lumière montrent la joie du printemps et des promesses de l’amour.
Joaquin Sorolla, affirme, dès ses premiers paysages peints lors de son voyage en Italie"Scène napolitaine",(1886) son attraction pour les jeux de lumière, traités alors dans une délicate opposition avec les ombres de la pergola.
Plus tard, ce sera le passage de la fraîche lumière des matins avec le tableau "Valence "(1901) aux couleurs vives de l‘après-midi sur l’écume des vagues que franchissent les bœufs tirant les barques. Sorolla replace toujours le spectateur dans la réalité du moment.
Le thème de la féminité :
Images du corps féminin
Plusieurs artistes mettent en valeur le nu féminin :
Laureano Barrau Buñol (1863-1950), par son dessin précis du corps, hérité de sa formation académique, qu’il souligne par un contraste chromatique fort avec le blanc du peignoir thème récurrent des peintres espagnols du XXe siècle.
Pablo Picasso (1881-1973) . avec " Le petit nu vif de la période bleue" (1902), témoin de la vie de bohême parisienne, sa "'Grande danseuse nue" (1962) et la frise de "La danse au bord de la mer" présentent le même amour des courbes sensuelles du corps féminin.
Joán Miró , offre une version plus rêveuse, plus poétique, tout comme Salvador Dalí qui donne dans "La Plage érotique" (1950) les derniers feux de son inspiration surréaliste, mêlant songe et paysage.
Le thème des portraits :
Le portrait d'un siècle à l'autre
Le portrait de 'Maria Teresa de Vallabriga', l’épouse de l’Infant Don Luis, frère de Charles III. Est le joyau de cette collection. Ils’agit d’un des tous premiers portraits féminins de Goya, réalisé à la même période que sa célèbre "Famille de l’Infant Don Luis" . La simplicité de la pose, du vêtement, le regard direct mettent en valeur la délicatesse du traitement du visage. L’expression rêveuse est obtenue par une touche fine et délicate, une luminosité subtile. ( portrait ci-dessous). Cette conception hispanique du portrait est également sensible dans le petit 'Portrait de Feliciana Bayeu', fille de Francisco Bayeu (1734-1795) nièce de Goya.
Après l’intervalle néo-classique et romantique, le portrait féminin prend en Espagne une nouvelle force. Fils d’un fort bon peintre formé en France et en Italie, Federico de Madrazo (1815-1894) portraitiste hors pair, représenté ici par le portrait très incisif de "la comtesse de Cienfuegos levant les yeux de son livre de prière" avec une spontanéité inhabituelle.
Ignacio Zuloaga (1870-1945), peintre très important de la fin du XIX espagnol, succède à Federico de Madrazo comme peintre de la haute société, cherche ses modèles dans les grandes effigies aristocratiques de Goya, traités avec des contours épais et une monumentalité qui lui est spécifique un exemple avec le"Portrait de la Señora Corcuera", (1918).
On retrouve une sophistication semblable dans le "Portrait de femme" à qui Julio Romero de Torres (1874-1930) a donné la beauté en partage.(ci-dessous)
Dans "La Marcelina," l’une de ses dernières œuvres, Joaquin Sorolla, le peintre aux multiples facettes fait une admirable synthèse de ses talents de coloriste et de spectateur de la société humaine.
Pablo Picasso clôt cette belle série avec une étude rapide mais introspective de Françoise Gilot (1949) " Françoise dans un fauteuil".
Le dernier thème de l'exposition :
Les maîtres de la modernité
La contribution des artistes espagnols aux grands mouvements historiques de l’art contemporain est bien connue. Pendant sa période bleue et avant de devenir un pionnier du cubisme, Pablo Picasso a pénétré au cœur des drames humains, ce dont témoigne ici le bouleversant " Déjeuner du pauvre ".Après que Braque et Picasso aient défini les principes, Juan Gris (1887-1927) a poussé le plus loin toutes les possibilités techniques du cubisme. "Cuillère au bol" (1913), œuvre très structurée qui ne nie pas les couleurs, souvenir de Cézanne. "La Nature morte au pigeon" (1919) de Picasso, cubiste, porte en elle les germes de l’évolution du peintre vers un monde plus rêveur, plus spontané. Salvador Dalí, a été très longtemps fidèle au surréalisme qui fit son succès et correspond profondément à sa personnalité. Deux sculptures des années 70 : "La Noblesse du temps" et " Le Profil du temps" illustrent les thèmes récurrents qui expriment dans son œuvre le temps et la perfection du corps humain. Face à eux, l’élan poétique de Joán Miró (1893-1983) et son insurpassable sens de la dynamique des couleurs sont évoqués par un dessin tardif mais tout à fait caractéristique de sa technique. C’est avec Antoni Tàpies (né en 1923) que nous terminons cette exposition, l’artiste a voulu donner, tout au long de sa carrière, l’importance du symbole dans sa peinture abstraite, "Grand papier gris avec symbole blanc " (1965), l’œuvre symbolise la continuelle quête spirituelle de la peinture espagnole.
Quelques Extraits du catalogue .
Cette exposition présente un vaste panorama de la peinture espagnole, elle réunit environ 50 chefs d’œuvres, sur 400 ans d’histoire. Parcours esthétique et artistique. Le siècle d’or de la peinture sacrée avec le Gréco, de Ribera, Murillo ; l’art de cour avec Goya et Coello, les maitres modernes : Sorolla, Picasso, Miro et Dali.
A ne pas manquer jusqu’au 8 août 2010, Musée Jacquemart André Paris