Marc Chagall nait en 1887 à Liozna près de Vitebsk en Biélorussie, dans un milieu modeste .Il quitte sa ville natale en 1907 et fait ses études aux beaux arts de Saint Petersbourg, et, au cour d’art moderne que Bakst vient d’ouvrir, il développe son art dans différents ateliers. Sa première exposition fait scandale. Il obtient une bourse et fait le choix de venir à Paris.
1910-1914, sa première période parisienne, il découvre le Louvre, rencontre les peintres de Montparnasse. Il s'installe à La Ruche en 1912, ainsi il pénètre dans le milieu artistique parisien. Il assiste aux vendredis de Canudo, directeur de la revue Montjoie, il y rencontre d'autres artistes, devient ami avec Cendrars et Apollinaire, les deux poètes sont admiratifs de sa peinture.
C'est la fin du fauvisme et le début du cubisme. Le fauvisme va lui inspirer la couleur pure, gaie, le second la déconstruction de l'objet. Il expose aux indépendants. Il n'appartient à aucun courant, il est inspiré par la tradition juive et l'art russe.
En 1914, il repart à Vitebsk jusqu'en 1922, bloqué par la première guerre mondiale, il ne peut revenir à Paris, il se consacre à son art, il peint surtout la vie de la communauté juive, mais l'orientation de la politique artistique le déçoit, il s'oppose à Malevitch en 1919.Il part à Moscou pour faire le décor d'un théâtre d'art juif, réalisation de costumes et décors pour trois pièces de Scholom Aleichem en 1921.
1922, il va à Berlin, il rencontre Grosz, Hofer, Meidner, Archipenko, il s'initie à la gravure. Il grave pour Paul Cassirer, les illustrations de son autobiographie (26 eaux-fortes et pointes sèches) publiées sans texte à Berlin l'année suivante.
1923, il revient à Paris. Ses œuvres sont déjà connues aux Etats-Unis, ou des expositions sont organisées. Il s'installe dans un atelier et retrouve Sonia et Robert Delaunay, Marcoussis, Gris. Il fait la rencontre d'Ambroise Vollard marchand d'art, de livres, celui-ci lui commande 30 gouaches et plus de 100 eaux-fortes afin d'illustrer les fables de La Fontaine (1924-25),118 eaux-fortes pour les "âmes mortes" de Gogol (1925-31), et des illustrations pour la bible en 1930. Il effectue de nombreux voyages en famille, dont un en Israël en 1931, à son retour il définit la Bible comme " la plus grande source de poésie de tous les temps", il mentionne qu'il a cherché ce reflet dans la vie et dans l'art.Il va commencer une nouvelle vie dans sa création artistique, il se consacre à la thématique biblique, traduisant l'écriture sainte en gouache et en gravure. Ce travail monumental est à l'origine du Message biblique qui propose un cycle décoratif relatant l'histoire biblique, terminé en 1966. Chagall en a fait don à l'état français, un musée lui fut consacré à Nice en 1973, il s'agit du Musée national du Message biblique.
1932, il va étudier les gravures de Rembrandt à Amsterdam.
1937, il prend la nationalité française, afin de fuir l'antisémitisme de l'Europe centrale.
Avec la seconde guerre mondiale, les menaces pèsent sur les communautés juives, en 1941, il décide de partir aux Etats-Unis avec sa famille, grâce au journaliste américain Varian Fry (qui depuis Marseille à sauvé plus de 2000 juifs militants anti nazis en les aidant a fuir l'Europe et le régime de Vichy). Pendant son séjour , il réalise des décors et des costumes pour des ballets "Aléko" en 1942 et "L'oiseau de feu" de Stravinsky en 1945.
Son épouse Bella décède en 1944, c'est cet événement qui le marque dans le choix de son style et celui de sa peinture, à cette époque.
Son retour en France s'effectue en 1948, il s'installe à Vence de 1950 à 1956.
En 1952, il se remarie avec Valentina Brodsky (1905-1993).
Paris lui inspire une nouvelle série de tableaux (1953-56), rêveries poétiques dont la couleur est diffuse, cendrée. Il reçoit de nombreuses commandes, des céramiques, des vitraux, pour le baptistère d'Assy , création des costumes pour " Daphnis et Chloé" en 1958, des vitraux pour la cathédrale de Metz de 1960 à 68, des lithographies, des décors pour l'opéra 'la flute enchantée", le plafond de l'opéra Garnier à Paris. Il termine sa vie en France, à Saint Paul de Vence ou il s'est installé en 1966, il y décède en 1985.
Son oeuvre s'est diversifiée, en utilisant différentes techniques tel que la mosaïque, la gravure, la gouache, la peinture à l'huile, les vitraux, la céramique et la sculpture (dans les années 1950 à 1969).
Son oeuvre est vendue dans le monde entier.
Après les fables de La Fontaine, pour le même éditeur un nouveau projet, illustrer la bible à la demande d’Ambroise Vollard, nous sommes en 1930.
Marc Chagall se consacre à la bible hébraïque, la torah, ses choix : une préférence pour les patriarches de Moise, les guerriers, les rois et prophètes, son inspiration dans l’empreinte juive traditionnelle (son éducation de l’enfance).
Sa vision souvenir de Vitebsk en Russie, ses habitants, ses impressions de voyage en Israël.
Cette exposition retrace le processus de création, depuis la série de gouaches réalisée par l’artiste, puis les différents états de la gravure (précision du motif), jusqu’à l’état final, c'est-à-dire la gravure définitive.
Exposition de la bible, datée de 1956
Il réalise d’abord 40 gouaches, à partir de cette forme picturale, le rendu coloré auquel il aspire en gravure.
Il s’agit des épisodes de la bible : Dieu créa l’homme 1932, Noé reçoit l’ordre de construire 1931, Noé la chute de la colombe, 1931,L’arc en ciel signe d’alliance entre Dieu et la terre 1931, Le manteau de Noé 1931, les 3 anges reçus par Abraham 1931, Abraham et les anges, escente vers Sodome 1931, Les filles de Lot 1931, La circoncision prescrite par Dieu à Abraham 1931, Abraham et Isaac, en route vers le lieu de sacrifice 1931 Abraham prêt à immoler son fils 1931, Abraham pleurant Sara 1931, Eliézer et Rebecca 1931 Moise repend la mort chez les égyptiens 1931, Les israélites mangent l’agneau de la Pâque< 1931, Les israélites passent la mer rouge 1931 , Les hébreux adorent le veau d’or 1931, Moise brise les tables de la loi 1931, Aaron devant le chandelier 1931, Moise reçoit les tables de la loi 1931 ci-dessous.
L’élaboration des eaux-fortes l’occupe de longues années. Inspiré par celles de Rembrandt.
La salle suivante nous conduit à la présentation des 105 eaux-fortes (originales) tirées sur papier Montval.
Quelques exemples :
La tombe de Rachel, la lutte de l’ange, rencontre de Jacob et Rachel, Joseph jeune berger, Joseph et ses frères, Jacob pleurant Joseph, le songe du Pharaon, Départ de Jacob pour l’Egypte, Moïse sauvé des eaux, le buisson ardent, rencontre de Moïse et Aaron, Moïse fait jaillir l’eau du rocher, Josué devant Jéricho, Josué et les rois vaincus, Samuel rappelant Dieu, David devant Saul, David montant la colline des oliviers, Songe de Salomon, prophétie sur Jérusalem, vision d’Isaïe, Samson et Dalila.
Dans ce parcours nous avons quelques citations de l’artiste :
"Il me semble que quelque chose m'aurait manqué si à part la couleur, je ne m'étais pas occupé aussi, à un moment de ma vie, des gravures et lithographies. Dès ma première jeunesse, quand j'ai commencé à me servir d'un crayon, j'ai cherché a quelque chose qui pourrait se répandre comme un grand fleuve se déversant sur des rives lointaines et attirantes. En tenant une pierre lithographique ou une plaque de cuivre, je croyais toucher un talisman. En elles, il me semblait que je pouvais placer toutes mes tristesses, toutes mes joies". Marc Chagall
Quelques eaux-fortes présentées montrent l'évolution du travail "La sortie d'Egypte" datée de 1931-39, il s'agit de la planche 33 de la bible, 15 clichés nous amènent à la phase finale du travail ,dont la plaque de cuivre gravée. " damson renverse les colonnes", 4 planches et la plaque de cuivre gravée,"Le songe de Salomon" 4 planches et la plaque de cuivre.
La technique de l'eau forte
C'est un procédé de gravure en creux ou taille douce, sur une plaque métallique à l'aide d'un acide. L'artiste qui utilise l'eau-forte est appelé aquafortiste. A l'origine, l'eau-forte était le nom donné à l'acide nitrique, aujourd'hui l'acide nitrique est remplacée par des produits moins toxiques, on utilise le perchlorure de fer.
Il existe différents procédés d'eaux-fortes :
L'aquatinte, procédé d'eau-forte par lequel on obtient différentes tonalités, par la morsure, plus ou moins prolongée, dans un bassin d'acide, d'une plaque de métal recouverte d'une couche de résine ou de bitume en poudre.
La gravure au lavis, procédé de gravure en taille-douce dérivé de l'eau-forte, à l'origine de l'aquatinte et comme elle joue sur la corrosion partielle de la plaque de métal par un acide. Elle fut inventée au XVIII eme siècle, elle imitait, par la gravure, les dessins en lavis afin de les reproduire de la manière la plus fidèle. La gravure au burin, dessine un réseau de lignes qui s'adapte au rendu du dessin. Tandis que la gravure à manière d'aquatinte et de lavis donne un grainage de la surface, ce qui convient aux effets picturaux. Ainsi on peut obtenir toutes les valeurs de clairs-obscurs comparables à celles du lavis ou bien d'une aquarelle.
La manière de crayon, est une gravure sur métal : son but : se rapprocher, à l'impression, de l'effet du crayon.
Toutes ces techniques désignent une gravure où l'image est creusée sur une plaque de métal à l'aide d'un acide. Elles se différentient par les outils ou vernis à graver utilisés.
La technique est simple : sur une plaque de métal recouverte d'un vernis à graver, l'artiste dessine son motif à la pointe métallique. Ensuite la plaque est placée dans un bain d'acide qui mord les zones à découvert et laisse intactes les parties protégées. Après le nettoyage du vernis, la plaque est encrée et mise sous presse.
A l'étage du musée un tableau nous accueil, "Dans la synagogue à Safed" 1931 huile sur toile (Safed est ville située au nord d'Israël).
Sur les traces des ancêtres
Chagall va en Palestine avec sa famille en 1931, invité par le maire de Tel Aviv, il rencontre aussi l'écrivain et poéte Haim Nahman Bralik , qui est considéré comme le poéte national d'Israël, Edmond Fleg également écrivain, penseur et romancier et la ville de Jérusalem.
Il est fasciné par Jérusalem, il peint les lieux saints, le mur des lamentations, Tel Aviv, mais aussi les lieux saints du judaïsme : la tombe de Rachel, le mur des lamentations, l'intérieur des synagogues. Quelques exemples : "Une vue de Jérusalem" huile sur toile datée de 1932-37, "Jérusalem et le mur des lamentations" 1931, " L'enceinte de Jérusalem près du portail de la grâce" Sur ces toiles le vert de la végétation domine et met en valeur la couleur ocre de la pierre.
Il fait une autre rencontre pendant son séjour, le célèbre peintre Reuven Rubin (Chagall va s'en inspirer à son retour par son langage stylistique et cela pour les 40 gouaches bibliques).
Quelques gouaches tel que : "Rabbin à la Torah" 1930, " La traversée de la mer rouge" 1935, sur toile de lin, ce tableau symbolise les pogroms et la shoah, "Abraham et les 3 anges" 1940-50, "Le songe de Jacob" 56-57, "Le rabbin" 1912 .
La traversée de la mer rouge
Abraham et les 3 anges
La guerre et persécutions inspirent à l'artiste des scènes douloureuses, nous retrouvons cela dans "La crucifixion en jaune" 42-43, le Christ est juif, le rouleau de la Torah se déroule sur son bras,il semble soutenu par un ange, dessous on découvre l'univers de Chagall, sa ville natale, son peupleil identifie le martyr de Jésus à celui des juifs. "Obsession" daté de 1943, "l'exode' de 1952-56.
La grande revue littéraire et artistique Verve éditée par Tériade, a consacrée un numéro à la reproduction intégrale d'héliogravure des 105 eaux-fortes de Chagall, 16 lithographies en couleur et 12 en noir et blanc.
"Les Pâques" autre toile du maitre.
"Pour moi le Christ à toujours symbolisé le même type de martyr juif. C'est ainsi que je l'ai compris en 1908, quand j'ai pour la première fois utilisé cette figure. C'était sous l'influence des Pogroms, ensuite je l'ai peint et dessiné dans des oeuvres relatives aux ghettos entouré par des afflictions de juifs, par les mères juives courant terrifiées et tenant leurs petits enfants entre leurs bras. Mon Dieu est le Dieu juif, dans mon imagination, le Christ est seulement un de nos martyrs juifs, avec sa mère juive, entourés de nos prophètes juifs, je n'ai jamais peint de figures d'évangelistes seulement notre bible" Marc Chagall
la bible en lumière
Marc Chagall entreprend en 1950 un cycle de peintures pour la chapelle de Vence, dans l’église du plateau d’Assy dès 1948, les vitraux de l’hôpital Hadassah à Jérusalem.
La bible en lumière est exposée une maquette pour l’église de Mayence et une autre pour Zurich.
Les maquettes et croquis de l’hôpital Hadassah sont présentés : peintes à la gouache, à l’aquarelle, pastel, encre de chine, crayon sur papier. Le thème les 12 fils de Jacob tels qu’ils sont décrits dans le livre de la Genèse : Ruben, Siméon, Levi, Juda, Zabulon, Issachar, Dan, Gad, Aser, Nephtali, Joseph, Benjamin, et des 12 tribus qui en découlent.
"Je me suis référé au grand livre universel qu’est la bible. Dès mon enfance, elle m’a rempli de visions sur le destin du monde. Et m’a inspiré dans mon travail ; dans les moments de doute, sa grandeur et sa sagesse hautement poétique m’ont apaisé, elle est pour moi comme une seconde nature". Chagall
Pour terminer l’exposition :
"L’ange peintre"daté de 1927-28" L’ange à la palette’"27-36, ‘la chute de l’ange’ œuvre dramatique datée de 23-34-47 ci-dessous
Se sont des autoportraits et une allégorie de l’artiste messager du divin.
Les vitraux de l’hôpital Hadassah à Jérusalem : chaque vitrail, portant une couleur dominante parmi le bleu, le rouge, le vert, le jaune, et l’orange est consacré à l’un des 12 fils de Jacob.
Les motifs, aucun être humain représenté, seulement des mains, des symboles juifs, des fleurs, animaux, soleil, bateaux.
La technique du vitrail utilisée : il s’agit d’un mélange de verre et acides, ce qui permet de superposer différentes couleurs sur un même espace de verre. Cette technique est différente de la technique traditionnelle, cela implique d’isoler chaque morceau de verre peint par des bandes de plomb, de ce fait, nous avons une sensation de profondeur .
Cet ensemble est admirable et s’harmonise avec le lieu, ces 12 vitraux sont disposés par 3, les tons changent selon la luminosité extérieure. A Voir à Jérusalem
Un livre à lire absolument "Quelques pas dans les pas d'un ange"
Ecrit par David McNeil , fils de Marc Chagall
Très belle exposition montrant le monde de la bible vu par Chagall
Avoir au musée du Judaïsme à Paris jusqu'au 5 juin 2011